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- UNE DECOUVERTE EXCEPTIONNELLE,
Australopithecus bahrelghazali (ABEL)
En janvier 1994, le Centre National d'Appui à la Recherche (CNAR)
organise pour le Professeur Michel Brunet, paléontologue de l'université
de Poitiers, une mission paléontologique dans le désert tchadien.
Sur la foi d'informations fournies à Alain Beauvilain par Louis
Authosserre, hydrogéologue, et avec la collaboration de son guide,
Mahamat Oueddey, guide à Kouba Olanga, onze sites à mammifères
sont reconnus à l'Est de Koro Toro dans une tranche d'âge 3 à
4 millions d'années.
A leurs débuts, les prospections paléontologiques feront largement
appel à la "Carte hydrogéologique de reconnaissance au 1/500.000.
Notice explicative de la feuille Pays Bas - Largeau" établie par
Jean-Louis SCHNEIDER et éditée en 1968.
En janvier 1995, une seconde mission est organisée avec pour objectif,
beaucoup plus au nord, de reconnaître la falaise de l'Angamma,
région dans laquelle en 1959 le professeur Yves Coppens avait
mis au jour un fossile d'hominidé, le célèbre Tchadanthrope, l'"Homme
du Tchad".
C'est ainsi que le dimanche 22 janvier 1995 vers 15 heures, deux
véhicules s'arrêtent à environ quarante kilomètres à l'Est de
Koro Toro. Ils reviennent de la falaise de l'Angamma (littéralement
"Les tombes dehors") au Nord des Pays-Bas de la cuvette tchadienne
que leurs passagers avaient dû quitter en raison de vents extrêmement
violents (plus de 100 km/h enregistrés à Faya) sans avoir réellement
trouvé ce qu'ils cherchaient. Ils avaient alors parcouru plus
de 3.000 kilomètres depuis leur départ de N'Djaména et formaient
l'équipe de terrain de l'année 1995 de la Mission Paléoanthropologique
Franco-Tchadienne.
Cette équipe était composée de :
- Michel Brunet, Professeur de Paléontologie à l'Université de
Poitiers et directeur de la M.P.F.T. ;
- Aladji Hamit Moutaye, ingénieur géologue au Projet Minier, projet
qui a prêté un véhicule;
- Alain Beauvilain, géographe, responsable du projet "Appui à
la recherche scientifique tchadienne" ;
- Najia Beauvilain, intendante de cette mission ;
- Mamelbaye Tomalta, chauffeur au Projet Minier ;
- Mahamat Oueddey, guide de Kouba Olanga ;
- et Mahamat, commerçant de son état, qui avait demandé à être
transporté de Faya à N'Djaména.
L'équipe était sur le chemin du retour et se dirigeait vers les
zones fossilifères reconnues l'année précédente afin d'y constater
depuis un an le travail des agents de l'érosion, vents et pluies,
la saison des pluies 1994 ayant été abondante jusqu'au cœur du
désert. C'est alors que, du haut d'un cordon sableux bien marqué
(du nom de “Goz Kerki” qui veut justement dire “cordon sableux”)
qui aurait limité il y a quelque dix à six mille ans les rivages
d'un lac, le chauffeur du premier véhicule, Alain Beauvilain,
aperçoit de loin des masses sombres posées sur des étendues de
grès blancs. Celles-ci sont les os fossilisés de gros animaux
qui vivaient là voici trois à quatre millions d'années : ancêtres
des actuels éléphants, hippopotames, rhinocéros, girafes, chevaux,
gazelles, ... mais aussi crocodiles, tortues, poissons, ....
La fin de cet après-midi est consacrée à la collecte des grosses
pièces tandis qu'Alain Beauvilain met en place un carroyage. Un
fragment de mandibule de cochon donne déjà une première émotion
au Professeur Brunet mais ... ce n'était que du cochon. Tôt le
23 janvier, sous le regard de nomades venus observer les curieuses
activités des visiteurs, chacun passe de carré en carré en observant
minutieusement chaque élément contrastant avec la surface plus
ou moins régulière du sol. Mamelbaye Tomalta, qui était malade,
se joint au travail vers 8 heures 45 et presque aussitôt appelle
le Professeur Brunet pour lui signaler un fossile retourné dans
le sable afin que celui-ci achève son dégagement.
Australopithecus bahrelghazali à l'instant et sur le lieu de sa découverte le 23 janvier 1995
(cliché Alain Beauvilain).
Une découverte considérable dans l'Histoire des Sciences venait
d'être faite : la mise au jour dans les sables du désert tchadien,
à plus de 2.500 kilomètres de la plus proche découverte comparable,
de la mandibule d'un australopithèque.
En 1996, deux nouvelles mises au jour viennent enrichir notre
connaissance des Australopithecus bahrelgazali : en janvier 1996 au balayage sur ce même site, appelé KT 12,
Alain Beauvilain met au jour une prémolaire supérieure appartenant
à un second individu de la même espèce ; le 14 janvier 1996 sur
le site de KT 13, Mahamat Kasser, ingénieur géologue au Projet
Minier, découvre un fragment de maxillaire d'un troisième individu.
Mahamat Kasser à KT 13 le 14 janvier 1996 (cliché Alain Beauvilain).
Il faut ensuite attendre la mission engagée en juillet 2000 par
Monsieur Baba El Hadj Mallah, Directeur du CNAR, sur financement
de la Coopération française, pour que Fanoné Gongdibé, ingénieur
à la Direction des Mines et de la Géologie, détaché au CNAR mette
au jour, le 18 juillet 2000, sur le site de KT 40 la mandibule
d'un autre hominidé.
Ces différentes découvertes, sur la dizaine de kilomètres séparant
les deux sites de KT 12 et KT 40, confirment la justesse du pari
scientifique de Michel Brunet. Ce pari, commencé onze années plus
tôt dans les fossés tectoniques du Cameroun, consistait en la
recherche d'hominidés anciens à l'ouest de la vallée du Rift ce
qui, selon le scénario baptisé “East side Story” décrivant les
origines de l'humanité, apparaissait impossible à la communauté
scientifique.
Mahamat Adoum, Fanoné Gongdibé et Ahounta Djimdoumalbaye (de gauche
à droite) à KT 40 le 18 juillet 2000 (cliché Alain Beauvilain).
Petit glossaire
Evolution : l'évolution chez le vivant se caractérise par des transformations
d'une ou de plusieurs parties du corps de ce vivant au cours du
temps. L'espèce étant la plus importante des unités d'évolution,
c'est sur elle que se basent les observations des transformations.
Celles-ci vont d'une simple transformation de certaines parties
du corps à la disparition totale d'éléments du squelette.
Fossilisation : est le remplacement de chaque molécule de carbone des organismes
vivants (végétaux ou animaux) par une molécule de silice ou d'une
autre substance minérale. Elle s'effectue au cours des millénaires
à l'abri de l'air sous les sédiments par les sels déposés par
des eaux acides liées à un climat chaud et humide. Ce remplacement
à l'identique, molécule par molécule, permet d'analyser aujourd'hui
les fossiles avec les moyens techniques les plus modernes (radiographie,
scanner) comme pour les organismes vivants.
Il en va différemment des fossiles de moulages d'organismes qui
ne sont que des copies de leurs volumes extérieurs (parfois intérieurs
comme pour les tortues) ou de leurs empreintes (de pas, de terriers,
...).
Dans le devenir des organismes après leur mort, la fossilisation
est l'exception.
Australopithèque : homininé reconnu en Afrique australe.
Hominidé : mammifère primate de la super-famille des hominoïdes tel que
le gorille, les chimpanzés et l'homme actuel ainsi que ses ancêtres
fossiles les plus proches.
Homininé : mammifère primate tel que l'homme actuel et les espèces fossiles
les plus voisines consi-dérées comme des ancêtres possibles de
notre espèce. Les homininés forment une sous-famille de la famille
des hominidés.
Hominoïde : primate supérieur dépourvu de queue. La super-famille des hominoïdes
comprend les trois familles des hylobatidés (gibbon, siamang),
des pongidés (orang-outan) et des hominidés (gorille, chimpanzés
et homme actuel et ses ancêtres fossiles les plus proches).
Homme : mammifère de l'ordre des primates, doué d'intelligence et d'un
langage articulé, caractérisé par un cerveau volumineux, des mains
préhensiles et la station verticale. Les étapes de l'évolution
de l'homme se marquent par l'accroissement de la capacité crânienne,
le recul du trou occipital, la réduction de la mandibule, l'adaptation
croissante à la bipédie.
Primate : ordre de mammifères placentaires, arboricoles et terrestres,
regroupant des espèces pré-sentant les caractéristiques suivantes
: volume de la face réduit par rapport à celui du crâne qui posséde
un cerveau très développé, position des orbites en façade (ce
qui permet la vision en relief), posture verticale du tronc en
position assise (ce qui libère la main), mains préhensiles, mains
et pieds présentant une structure primitive à cinq doigts, doigts
pourvus d'ongles plats.
Mandibule : mâchoire inférieure de l'homme et des vertébrés, ne comportant
qu'une seule pièce et articulée au crâne par une paire de condyles.
Maxillaire : mâchoire supérieure de l'homme et des vertébrés. Chez l'homme,
elle est formée de deux os, les maxillaires, soudés entre eux
et aux os voisins.
Singe : mammifère primate arboricole à face nue, aux mains et pieds
préhensiles et terminés par des ongles.
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