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I - LES AUSTRALOPITHEQUES, ANCETRES DE L'HOMME
Rechercher les origines de l'Homme, c'est rechercher les origines
de la vie sur Terre et de sa diversification, qui peuvent être
résumées ainsi :
- premières traces de vie : débutent voici environ quatre milliards
d'années ;
- premiers restes animaux : un milliard d'années ;
- premiers vertébrés : cinq cents millions d'années (poissons
archaïques marins) ;
- premiers mammifères : deux cents millions d'années ;
- premiers primates : soixante-dix millions d'années.
Les racines de l'Homme sont associées à chacun de ces événements
puisque l'Homme se classe ainsi :
- règne animal ;
- embranchement des vertébrés ;
- classe des mammifères ;
- ordre des primates ;
- sous-ordre des haplorhiniens ;
- infra-ordre des simiiformes ;
- super-famille des hominoïdes ;
- famille des hominidés ;
- sous-famille des homininés ;
- genre Homo ;
- espèce Sapiens ;
- sous-espèce sapiens-sapiens.
Cette recherche de nos origines consiste en une démarche rétrograde
qui, à partir des caractères de l'homme actuel (notamment dentition,
volume cérébral, station debout et bipédie, ...), essaie de reconnaître
dans les pièces fossiles mises au jour les traits qui, en se transformant,
auraient pu donner l'étape suivante.
Nos ancêtres les plus vraisemblables sont les australopithèques,
hominidés bipèdes de la sous-famille des homininés. Seuls primates
à utiliser la bipédie comme mode de locomotion, les homininés
voient ainsi leurs mains se libérer et devenir disponible pour
d'autres usages, dont la fabrication et l'utilisation d'outils.
De petite taille (un mètre à un mètre et demi), au cerveau petit
(400 à 500 cm3), à la face massive et projetée vers l'avant (prognathe),
leur nom signifie Singes du Sud (en grec). En effet leurs fossiles
ont d'abord été découverts en Afrique australe, le premier étant
l'Enfant de Taung, décrit en 1925. Il faut attendre 1959 pour
que la première découverte d'un fossile d'australopithèque soit
faite en Afrique orientale.
Figure n° 1 : crâne et reconstitution du jeune Australopithèque
de Taung.
A ce jour, huit espèces d'australopithèques ont été décrites mais
seules les espèces graciles sont considérées aujourd'hui comme
appartenant à des préhumains, les espèces robustes, dérivées par
rapport aux australopithèques, sont maintenant dénommées Paranthropus (presque homme).
Sont Paranthropus :
- Paranthropus robustus de Kromdraai (Afrique du Sud), décrit par Broom en 1938. Il n'a
été mis au jour qu'en Afrique du Sud dans des terrains datés de
2,2 à 1,5 million d'années ;
- Paranthropus crassidens de Swartkrans (Afrique du Sud), décrit par Broom en 1949 et mis
au jour dans des terrains datés de 1,7 million d'années ;
- Paranthropus boisei d'Olduvai (Tanzanie) décrit par Mary et Louis Leakey en 1959.
Il est maintenant connu en Tanzanie, en Ethiopie, au Kenya et
au Malawi dans des terrains datés de 2,2 à 1,4 million d'années
;
- Paranthropus aethiopicus de la vallée de l'Omo (Ethiopie), décrit en 1967 par Camille
Arambourg et Yves Coppens. Il vivait voici 3 à 2,5 millions d'années
dans les états actuels d'Ethiopie et du Kenya.
Avec une dentition adaptée à la consommation de racines et de
tubercules, les paranthropes sont en moyenne plus grands (1,55
mètre), plus lourds (50 kg) et ont des crânes, sans front, renfermant
un cerveau plus volumineux (550 cm3) que les australopithèques,
mais ils demeurent, comme les premiers hommes, dépendants des
arbres.
Sont Australopithecus :
- Australopithecus africanus (Australopithèque africain) de Taung (Afrique du Sud), décrit
en 1925 par Raimont Dart. Cette espèce n'est connue qu'en Afrique
du Sud dans des gisements compris entre -3,2 et -2,8 millions
d'années et est à la fois plus grande (1,3 mètre), plus lourde
(40 kilogrammes contre 30) et présente un cerveau plus volumineux
(485 cm3 contre 360) qu'Australopithecus afarensis.
Figure n° 2 : crâne et reconstitution d'Australopithecus africanus.
- Australopithecus afarensis (Australopithèque de l'Afar) de Lætoli (Tanzanie) et d'Hadar
(Ethiopie), décrit par Johanson, Tim White et Yves Coppens en
1978. Cette espèce est aujourd'hui connue de - 4,4 à - 2,6 millions
d'années dans les états actuels d'Ethiopie, de Tanzanie et du
Kenya. Lucy, découverte en 1974, en est le type car 40% de son
squelette a été retrouvé. Vivant voici 3,2 millions d'années,
elle avait une vingtaine d'années (en âge humain) lors de son
décès et présentait de nombreux caractères très proches des nôtres.
Elle mesurait un peu plus d'un mètre pour un poids d'environ trente
kilogrammes et elle possédait des outils très rudimentaires, sorte
de galets brisés, grossièrement retouchés, ainsi que des fragments
d'os qui devaient lui servir de grattoirs.
- Australopithecus anamensis (Australopithèque du lac) de Kanapoi et Allia Bay (Kenya),
décrit par Meave Leaky et al en 1995 à partir de fragments de mâchoires et d'os des membres,
aurait vécu entre -4,4 et -3,2 millions d'années. Ses dents ressemblent
à celles d'autres australopithèques, tels certains spécimens d'Australopithecus afarensis, mais le reste du squelette est bien plus humain au point de
ne pas pouvoir être distingué de celui d'un homme actuel. Meilleur
marcheur qu'Australopithecus afarensis, il était aussi plus lourd (45 à 55 kg). Son anatomie dentaire
et maxillaire n'étant pas différente de celle de Praeanthropus africanus (Préhomme africain), découvert à la fin des années trente à
Laetoli (Tanzanie) par l'Allemand Kohl-Larsen, et l'antériorité
de la nomination ayant priorité, ce dernier nom devrait logiquement
s'imposer.
-Australopithecus bahrelghazali (Australopithèque du Bahr el Ghazal, dit Abel) de la région
de Koro Toro (Tchad), décrit par Michel Brunet et al. en 1996. Cet australopithèque vivait voici -3,5 à -3 millions
d'années. C'est donc un contemporain, au sens large, de Lucy.
Il présente des traits anatomiques pour certains très primitifs
(il est à ce jour le seul australopithèque à posséder, comme la
plupart des gorilles et chimpanzés, trois racines entièrement
distinctes à ses prémolaires inférieures et supérieures -Lucy
en possédait deux, l'homme actuel une seule-, incisives et canines
fortes comme pour les australopithèques) et pour d'autres très
dérivés (émail des dents moins épaisse que celle de Lucy, des
prémolaires qui ressemblent à des molaires comme chez l'Homme,
et surtout la partie antérieure de la mâchoire est réduite et
quasi verticale créant une "face mentonnière" -le menton ne date
que de quelques dizaines de milliers d'années seulement- alors
que les autres australopithèques sont très prognathes).
Contemporains des premiers hommes durant environ deux millions
d'années, les australopithèques possèdent tous une morphologie
dentaire particulière qui en font des cousins des hommes dont
ils ne peuvent être considérés comme des ancêtres directs. Avec
à la fois des caractères plus primitifs que Lucy mais doté d'une
face déjà très humaine, Abel ne peut être le descendant de celle-ci
alors qu'il peut prétendre être l'ancêtre des Homo. Il appartient en effet à un rameau très ancien indépendant des
autres australopithèques aujourd'hui connus. Sa morphologie dentaire
plus archaïque démontre l'existence probable d'une espèce plus
ancienne que quatre millions d'années, ancêtre commun des australopithèques
et des premiers hommes (Grimaud-Hervé H. et al., 1998, p. 24).
S'il apparaît qu'australopithèques et paranthropes rassemblent
plusieurs lignées dont les racines sont encore mal connues, pour
ne pas dire inconnues, ce n'est là qu'un fait très banal en paléontologie.
Pierre Teilhard de Chardin n'écrivait-il pas déjà «Chaque fois
qu'une nouvelle forme vivante se lève à nos yeux des profondeurs
de l'histoire ne savons-nous pas qu'elle surgit toute faite et
qu'elle est déjà légion» (cité par Coppens Y., 1991, p. 38).
Enfin, une règle quasi-générale de l'évolution des êtres vivants
est que celui qui contribue à engendrer une forme nouvelle n'en
continue pas moins à faire perdurer sa propre descendance. Les
ancêtres deviennent donc des "cousins" ce qui expliquent certaines
cohabitations de très longues durées tant dans le temps que dans
l'espace pour peu que le genre de vie, le régime alimentaire et
l'habitat soient distincts. Cette cohabitation est d'autant plus
longue que les dates indiquées précédemment pour chaque espèce
sont celles des terrains où les fossiles ont été mis au jour alors
que ces hominidés ont en réalité vécu sur des périodes beaucoup
plus longues (de un à deux millions d'années) allant de leur apparition
à leur disparition.
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