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IV - DES AUSTRALOPITHEQUES A L'HOMME ACTUEL
Quelques caractères spécifiques de l'homme, comme la marche en
station verticale, une enfance prolongée, un grand cerveau, un
menton, de petites canines, ... marquent ses différences avec
les australopithèques et les paranthropes.
Dans l'état actuel des connaissances, les plus anciens témoignages
répondant à ces critères ont également été tous mis au jour en
Afrique orientale. Il s'agit :
- d'Homo rudolfensis (Homme du lac Rudolfe, devenu lac Turkana), découvert en 1991
au Malawi par Bernard Wood dans des gisements datés de -2,4 à
-2 millions d'années. C'est un homme de grande taille au cerveau
développé (750 cm3) ;
- d'Homo habilis ("Homme habile" car il fabriquait des outils, nom donné par Louis
Leakey, John Napier et Phillip Tobias en 1964) apparu il y a -2,2
millions d'années et qui disparaît vers moins un million d'années.
Il est connu en Afrique orientale et dans l'actuelle République
sud africaine. Bien que de petite taille (1,15 à 1,3 mètre), sa
capacité crânienne était de l'ordre de 600 à 800 cm3. Resté très
arboricole bien que marchant pratiquement comme l'homme actuel,
construisant son habitat, il se présente comme plus chétif et
végétarien qu'Homo rudolfensis, plus robuste et carnivore ;
Figure n° 7 : reconstitution d'Homo habilis.
- et d'Homo ergaster, qui apparaît vers -1,9 million d'années en Afrique orientale.
Il mesure environ 1,5 mètre et a un cerveau de plus de 800 cm3
(toutefois un spécimen d'une taille de 1,7 mètre a été trouvé
dans des terrains de -1,6 million d'années). Son appareil locomoteur,
qui ressemble beaucoup à celui des hommes modernes, a permis son
adaptation à la vie dans les savanes ouvertes. Sa corpulence en
fait un chasseur capable d'abattre des proies de grande taille.
Il est de plus en plus considéré comme étant en Afrique l'équivalent
d'Homo erectus.
Des témoignages fossiles montrent qu'en Afrique orientale et australe,
Paranthropus robustus et les premiers Homo ont été, sur une période longue de près d'un million d'années,
c'est-à-dire dix mille siècles, des contemporains, fréquentant
localement et momentanément de mêmes sites.
Ces Homo sont uniquement localisés en Afrique. Toutefois, des dents retrouvées
en Chine dans des terrains de -1,8 million d'années et une mandibule
du même âge mise au jour dans le Caucase, et qui sont comparables
pour les premières à celles d'Homo ergaster, font penser que celui-ci aurait été le premier hominidé à quitter
le continent africain avant Homo erectus.
Homo erectus ("Homme debout", terme utilisé en 1893 pour décrire le Pithecanthropus de Java), qui succèderait soit à Homo rudolfensis, soit à Homo habilis, soit à Homo ergaster dans notre lignée évolutive, est connu par des fossiles datés
de -1,6 à -0,6 million d'années mis au jour en Afrique orientale
et australe. De corps et de taille proches de ceux de l'homme
actuel, avec une denture puissante typiquement humaine, Homo erectus
se distingue de nous par une capacité crânienne comprise entre
775 et 1250 cm3. Relevons que depuis la découverte d'Homo ergaster, de plus en plus de scientifiques ne qualifient d'Homo erectus que des fossile mis au jour hors du continent africain.
Figure n° 8 : reconstitution d'Homo erectus.
En tout cas, c'est à un Homo venu d'Afrique que l'on doit l'expansion humaine dans l'Ancien
Monde. Cet Homo, avant moins un million d'années, a assuré un peuplement allant
de l'Europe de l'Ouest à l'île de Java, alors rattachée au continent
par l'abaissement du niveau des océans dû aux masses d'eau stockées
sur les continents par les grandes glaciations. En raison de découvertes
successives, cet Homo et ses descendants ont d'abord été connus sous les noms de Pithécanthrope
ou "Homme de Java", découvert en 1891 et qui pouvait mesurer 1,7
mètre, Sinanthrope ou "Homme de Pékin", découvert en 1927, Homo heidelbergensis (de Heidelberg en Allemagne), Homo rhodesiensis (de la Rhodésie du Nord devenue Zambie), ..., dont les morphologies
présentent quelques différences régionales pouvant être dues à
l'éloignement, à l'isolement et/ou à l'adaptation à des milieux
naturels très différents.
A partir de cette époque et grâce à leurs outils qui ne cesseront
de se diversifier, les hommes peuvent accéder à la plupart des
aliments végétaux et animaux. Aussi forment-ils les seules espèces
aptes à vivre sous la plupart des latitudes.
Espèce stable au cours d'une période d'au moins un million d'années,
après avoir été le contemporain des derniers australopithèques,
Homo erectus sera le contemporain des premiers Homo sapiens ("Homme intelligent" ou "Homme sage"), ancêtre direct de l'homme
moderne. Morphologi-quement ceux-ci sont caractérisés par une
capacité crânienne moyenne de 1.400 cm3 avec un déve-loppement
des lobes frontaux, une réduction de l'avancée de la face, l'apparition
du menton et une diminution de la taille de la denture.
Comme pour tous les passages ou transitions d'une famille, d'un
genre, d'une espèce à l'autre, le passage d'Homo erectus à Homo sapiens demeure flou car il s'est fait progressivement, par petites touches
modifiant insensiblement des traits physiques différemment pris
en compte par les cher-cheurs qui, en conséquence, font remonter
à des preuves fossiles différentes, donc à des dates différentes,
les origines de l'espèce.
Des Présapiens dérivant d'Homo erectus peuplent progressivement l'Ancien Monde comme en témoignent des
fossiles mis au jour en Indonésie et au Maghreb. Parmi eux apparaît,
voici plus de 100.000 ans, une lignée plus évoluée, Homo sapiens, popularisée sous le nom d'Homme de Cro-Magnon (nom d'une grotte
en Dordogne, France), prototype de l'humanité actuelle qui est
composée d'Homo sapiens sapiens. C'est à partir du Moyen-Orient que, dans un mouvement d'est
en ouest, des pré-hommes de Cro-Magnon vont progressivement coloniser
l'Europe occidentale et y remplacer un peuplement tout à fait
original, celui des Néandertaliens.
L'Europe occidentale aurait en effet d'abord été peuplée d'Homo
sapiens archaïques, issus d'Homo erectus, desquels se dégagera Homo sapiens neanderthalensis (nom d'une petite vallée en Allemagne) qui a vécu peut-être de
-300.000 à -30.000 ans. Des restes, en petit nombre, ont été mis
au jour en Europe et au Moyen-Orient, du Portugal à l'Ouzbekistan.
C'est un homme original dont le squelette est plus robuste que
celui de l'homme actuel avec des muscles très puissants mais surtout
avec une tête différente en raison d'un cerveau au moins de même
volume que le nôtre mais développé plus latéralement et plus d'avant
en arrière que le nôtre, qui l'est verticalement, et avec un bourrelet
sus-orbitaire (au-dessus des yeux) largement développé. Il correspondrait
à une spéciation de descendants d'Homo erectus sous l'effet de
son isolement dans la pointe occidentale de l'Eurasie et d'une
adaptation aux rudes conditions climatiques marquée par la dernière
grande glaciation (-80.000 à -10.000 ans, avec un intervalle plus
chaud vers -35.000 ans), le volume de ses muscles lui donnant
un avantage certain par climat froid.
Sa culture est comparable à celle de nos ancêtres avec la connaissance
du feu, de techniques de chasse, développant une industrie produisant
des outils de pierre perfectionnés, pratiquant l'inhuma-tion des
cadavres, avec parfois un rituel. Vraisemblablement développé
en Europe à partir d'Homo heidelbergensis, il a pu conquérir tout ce continent en trouvant les moyens de
s'adapter à sa diversité de climats.
De -100.000 ans à -35.000 ans, cet Homme de Néandertal n'évolue
pas physiquement mais après cette longue période de stabilité,
ce type physique est remplacé en cinq mille ans par un autre similaire
à celui de l'homme moderne. Cette disparition rapide de l'Homme
de Néandertal, contemporain des derniers Homo erectus puis des premiers Homo sapiens sapiens, nous interroge.
Pendant longtemps l'Homme de Néandertal a été considéré comme
probablement interfécond en "amont" avec Homo erectus et "en aval" avec Homo sapiens et qu'il aurait pu disparaître absorbé par celui-ci. En effet,
une espèce est constituée d'un ensemble de populations ayant en
commun une structure génétique et un ensemble de gènes particuliers
leur permettant de se reproduire entre elles et d'avoir une descendance
féconde, ceci en dépit de différences mineures de formes ou de
couleurs. Avec le temps, l'accumulation de modifications génétiques
dans deux populations différentes d'une même espèce initiale peut
aboutir à ce que ces deux populations ne soient plus interfécondes.
Généti-quement séparées elles forment alors deux espèces différentes.
De même, au sein d'une population, des modifications génétiques
importantes peuvent se mettre en place au fil des générations
et aboutir au fait que la population originelle soit d'une espèce
différente de celle qui en est directement issue. L'interfécondité
ou non de ces deux populations, largement séparées dans le temps,
n'étant pas vérifiable, cette affirmation repose sur la constatation
ou non de l'apparition de grandes différences morphologiques.
Toutefois, de récentes études d'ADN effectuées en Allemagne montrerait
que l'Homme de Néandertal, descendant d'Homo erectus, représenterait une autre espèce que la nôtre et qu'elle en a
été génétiquement séparée depuis au moins 700.000 ans. Doté d'un
cerveau volumineux, l'Homme de Néandertal aurait pu perdurer.
Sa disparition rapide devant l'Homme de Cro-Magnon, sauf extermination
par ces derniers, reste à expliquer.
Cette ignorance pour une période aussi proche de nous montre,
une fois de plus, l'ampleur des difficultés pour établir un arbre
généalogique fiable pour des périodes remontant à des millions
d'années.
Soixante-dix millions d'années de vie des primates et des étapes
innombrables offrant des choix quasi infinis ont abouti à l'Homme
moderne qui, en dépit de physionomies multiples, appartient à
une espèce homogène. Cette espèce est la seule à avoir réalisé
la conquête des milieux les plus diversifiés de la Terre et à
s'être donné les moyens d'un accroissement démographique qui aboutit
au fait qu'elle a compté au cours du dernier siècle plus d'individus
vivants qu'il n'en a vécus depuis sa création. Cette homogénéité
est la meilleure expression à la fois de l'origine unique (et
africaine) de l'Homme et du brassage incessant et qui va en s'accélérant
de ses diverses populations.
Son évolution n'est pas prête de s'arrêter pour autant, à la fois
par la poursuite de l'évolution antérieure (développement du volume
du cerveau, réduction de trente-deux à vingt-huit du nombre de
dents, par la perte progressive des troisièmes molaires dites
"dents de sagesse" (!), ...) que par l'effet des techniques médicales,
comme la multiplication des accouchements par césarienne dont
la conséquence est l'expansion du gène du bassin étroit chez les
femmes, expansion auparavant limitée par le grand nombre de décès
des mères lors de l'accouchement. Ne serait-ce que par cette seule
technique, déjà ancienne, l'espèce humaine peut être condamnée
dans quelques dizaines ou centaines de milliers d'années à ne
plus pouvoir se reproduire naturellement.
Mais, d'une certaine manière, l'évolution la plus rapide est celle
liée au développement des connaissances qui dote l'homme moderne
de moyens techniques et d'outils de plus en plus élaborés et performants.
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