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D'importants cratères d'impact dans le Sahara du Tchad, l'important
volcanisme du Tibesti, avec des nuées ardentes s'étendant jusqu'à
des distances considérables de leurs points d'émission, attestent
que la vie 'au temps de Toumaï ' était souvent bien précaire dans
cette région. La liste des risques naturels au Sahara ne se limite
pas à ces grands cataclysmes. Si inondations et sécheresses marquent
l'histoire naturelle de la cuvette tchadienne, leurs conséqences
sont cruelles pour la faune avec des répétitions de famines.
LES CRATERES D'IMPACT METEORITIQUES DU B.E.T.
Les impacts de météorites sont les chocs les plus violents que
la Terre ait pu enregistrer. L'énergie dégagée par un choc d'impact
est telle que la surface de la Terre se comporte comme celle d'un
océan car elle correspond au produit de la masse de la météorite
exprimée en kilogrammes par le carré de la vitesse en mètres par
seconde. Comme pour un caillou lancé dans l'eau, l'impact crée
au premier instant une dépression puis des ondes de choc se propagent
en rides circulaires à partir du point d'impact. L'instant suivant,
la dépression est comblée par la remontée des terrains et la région
est relevée par rapport à la situation antérieure. Les formes
de relief qui en résultent sont remarquables.
Il ne reste rien des météorites si ce ne sont des bulles dans
les roches encaissantes, elles-mêmes fondues et transformées.
L'ensemble de la matière extraterrestre et terrestre dégagée,
celle-ci correspondant à entre dix et cent fois la masse de la
météorite, est envoyé dans l'atmosphère en grande partie sous
forme de poussières microscopiques et provoque un important voile
qui peut couvrir l'ensemble du globe.
Deux impacts de grandes dimensions ont été reconnus dans le Sahara
tchadien, précisément dans l'Ennedi. Par comparaison avec des
cratères de même taille d'autres régions et suivant la vitesse
initiale et la densité des météorites, on peut estimer le diamètre
de ces météorites entre 500 et 1.000 mètres. Dans ce dernier cas,
leur masse correspondrait à plus de quatre milliards de tonnes
pour un alliage fer-nickel.
Aussi, chacun des impacts tchadiens correspond, comme ordre de
grandeur, au dégagement d'une énergie d'environ 1020 Joules, soit l'équivalent de 45.000 mégatonnes de TNT ou de 3
millions de bombes de type Hiroshima, ou vingt à trente mille
fois celle du tremblement de terre qui, en 1995, détruisit la
région de Kobé au Japon. La vie a pu être anéantie sur une grande
partie du continent sans compter les conséquences planétaires
sur les chaînes alimentaires d'une nuit terrestre possible de
six mois. Il est donc légitime de se poser la question des conséquences
de l'impact d'Aorounga sur la faune environnante et notamment
sur la survie des hominidés au cas où cet impact aurait moins
de cinq à six millions d'années.
Des observations font penser à l'existence d'autres impacts qui
n'ont pas été contrôlés sur le terrain. Enfin, les surfaces sableuses
peuvent masquer d'autres astroblèmes.
Astroblème d'Aorounga Astroblème de Gweni-Fada
(les numéros indiquent l'emplacement des photographies)
I L'astroblème d'Aorounga, Borkou.
La structure d'Aorounga est située dans la plaine désertique du
Borkou, à 100 kilomètres au Sud-Est de l'Emi Koussi, 130 kilomètres
au Nord de la palmeraie de Faya. Son centre est à 19° 05' 34”
Nord et 19° 14' 35” Est. Elle affecte des grès paléozoïques, subhorizontaux,
fins et bien triés, qui, à cet endroit, doivent avoir près de
2000 mètres d'épaisseur. D'abord reconnue sur photographies aériennes,
elle avait été cartographiée comme un bombement circulaire faisant
apparaître sous les grès à Spirophyton, réputés du Dévonien supérieur, des grès plus anciens (Wacrenier
et al., 1958). À la suite d'une étude photogéologique, le problème de
son origine était posé et, une origine interne paraissant préférable,
elle était classée comme une structure annulaire résultant d'une
intrusion magmatique (Roland N.W., 1976). Il a fallu attendre
une date récente pour que des échantillons, prélevés dans sa couronne
interne par Eric Goachet, révèlent la présence de quartz "choqués"
permettant de placer cette structure parmi les astroblèmes (Becq-Giraudon
et al., 1991).
En mars 1994, une mission franco-tchadienne (Pierre Vincent, université
de Clermont-Ferrand, Alain Beauvilain, université de Paris 10
et CNAR, Ali Hamit Moutaye, DRGM) a pu effectuer une coupe nord-sud
de l'ensemble, incluant la zone centrale qui n'avait pas été atteinte
auparavant. L'exploitation des matériaux recueillis a permis de
reconnaître les grandes lignes de l'organisation de cet astroblème,
remarquablement conservé, et confirme la disposition en dôme structural
proposée en 1958 (Vincent P. et al., 1994). Malgré sa profondeur, le cratère originel est resté
contenu dans la couverture gréseuse sub-horizontale, sans affecter
le substratum précambrien. Le soulèvement du fond du cratère initial,
qui suit immédiatement son excavation, fait que la structure dans
son ensemble est plus élevée d'une centaine de mètres que le plateau
sur lequel elle est établie. C'est là un mécanisme habituel dans
les astroblèmes de cette taille.
La structure comprend une zone interne -formée d'un plateau central
et d'une couronne interne, séparés par une dépression interne-
et une zone externe -formée d'une dépression externe et d'une
couronne périphérique.
1) La retombée de la couronne externe sur les grès sub-horizontaux
de la plaine de Kada.
(cliché Alain Beauvilain)
Aorounga, mars 1994 (cliché Armée française)
Extrait carte IGN au 1/200.000 'Gouro' (altitudes selon Google Earth).
Zone externe. Chacun de ses éléments présente des altitudes plus élevées à
l'ouest qu'à l'est. La dépression annulaire externe est le trait
morphologique le plus marquant. Elle est circulaire avec un diamètre
extérieur d'environ 11 kilomètres et une largeur régulière de
2 kilomètres. Son altitude est en moyenne de 530 mètres à l'ouest,
où elle est jusqu'à 150 mètres plus basse que la couronne externe.
Structuralement, c'est un "synclinal-graben" limité par des failles.
Les formations gréseuses plongent vers elle de chaque côté avec
des pendages qui peuvent atteindre la verticale au pied des remparts.
2) La dépression externe vue du nord-ouest. À droite (= à l'ouest) et au fond (= au sud), la couronne externe,
à gauche (= à l'est, la couronne interne (clichés Alain Beauvilain)
3) La dépression externe et la couronne interne vues du pied de
la couronne externe
(cliché Alain Beauvilain)
La couronne périphérique est d'une largeur inégale, de 3 à 4 kilomètres,
et forme une bordure occidentale d'altitude 680-690 mètres. Les
pendages sont variables, généralement dirigés vers l'extérieur.
La présence de failles inverses, de plis et de lambeaux discordants,
vraisemblablement charriés, traduit une compression avec une poussée
vers l'extérieur. C'est une limite tectonique, polylobée, qui
doit correspondre à des failles normales plus ou moins incurvées,
à pendage vers l'intérieur. Au-delà, les grès sont restés sub-horizontaux.
4 et 5) La dépression externe et la couronne externe vues depuis
le nord-ouest (clichés Alain Beauvilain)
6) La couronne externe vue depuis la couronne interne. Entre les
deux, la dépression externe.
Les dimensions sont telles que les chercheurs, dans les rochers,
sont à peine visibles
(cliché Alain Beauvilain)
Zone interne. Elle a un diamètre moyen de 7 kilomètres et se présente comme
un cylindre de grès bombé et soulevé, recouvert dans ses parties
hautes d'une couche d'éjecta (impactite). Les altitudes des différents
éléments sont dans l'ensemble constantes. Le plateau central a
une altitude maximum de 678 mètres, inférieure de quelques mètres
à la ligne de crêtes de la couronne interne.
7) La couronne interne vue au nord-ouest depuis la dépression
externe (cliché Alain Beauvilain)
8 et 9) La dépression interne : à gauche, vue vers le plateau central ; à droite, vue vers
la couronne interne (clichés Alain Beauvilain).
10 et 11) Le plateau central (à gauche) et la couronne interne au sud (à droite), vue en direction de la dépression externe.
Les chercheurs sont à peine visibles, à drote dans les rochers
(clichés Alain Beauvilain)
C'est lui qui a subi le soulèvement le plus important. En effet
ses grès, morphologiquement différents, sont plus anciens que
les autres. Ils datent vraisemblablement du Dévonien inférieur
alors que ceux de la couronne interne sont du Dévonien supérieur,
daté par des fossiles (Spirophyton). La dépression interne, plus
basse de 50 à 60 mètres, n'est pas un graben : l'érosion des niveaux
moins résistants de la base du Dévonien supérieur semble avoir
joué un rôle essentiel dans sa formation.
Les impactites, dont il reste des millions de tonnes, forment une couche qui
a dû être continue initialement. Elles ennoient les irrégularités
de ce qui était le fond du 'transient crater' et peuvent même se canaliser localement. Dans la couronne interne,
elles débutent par une brèche à éléments décimétriques. Par contre,
sur le plateau central, une 'suévite' à grain fin, avec de petits
débris lithiques et du verre, repose directement sur les grès.
Au contact, ceux-ci sont rubéfiés par 'cuisson', comme sous une
coulée de lave. Il est clair sur le terrain que ces éjectas ne
sont pas des retombées aériennes mais se sont comportés comme
des écoulements de haute température, à la manière des coulées
pyroclastiques volcaniques.
Une brèche (à gauche) et une formation bulleuse dans une impactite (à droite)
L'érosion éolienne joue dans les impactites en façonnant ici des 'nids d'abeilles' (à gauche) ou de faux 'shatter
cones' (à droite)
(clichés Alain Beauvilain).
Dans l'état actuel de son étude, l'astroblème d'Aorounga peut
être défini comme un cratère réajusté, d'au moins15 kilomètres
de diamètre moyen, avec un 'peak ring' (la couronne interne) bien
développé, et un plateau central. Il est possible qu'une érosion
plus poussée des impactites du plateau central ferait apparaître
un relief irrégulier, plus proche morphologiquement du pic central
classique d'autres structures.
L'élargissement du cratère initial s'est fait, par glissements
gravitaires centripètes de la couronne périphérique, le long de
surfaces de glissement incurvées, expliquant la forme festonnée
de la limite externe. Le plancher réajusté du 'transient crater'
reste largement recouvert par des impactites mises en place par
écoulement. Son diamètre peut être estimé à 7 kilomètres et sa
profondeur initiale devait être comprise entre 1,4 et 2,1 kilomètres
suivant le mode de calcul utilisé. On peut en conclure que le
fond du cratère initial devait être proche de la base des grès
et donc que le Précambrien est maintenant à une relativement faible
profondeur sous la zone interne.
L'étude microscopique confirme la présence d'un métamorphisme
de choc, affectant une partie des cristaux de quartz, ainsi qu'une
recristallisation fréquente qui l'oblitère. L'érosion éolienne,
très active dans cette région, produit dans les matériaux hétérogènes
des formes coniques qui simulent des cônes de pression, mais des
'shatter cones' indiscutables n'ont pas été observés.
À cause de sa bonne conservation, la formation de cette structure
avait été située dans un Quaternaire récent, au cours du dernier
stade pluvial, c'est-à-dire entre 12.000 et 3.500 ans (Becq-Giraudon
J.-F. et al., 1991). Cependant l'érosion subie plaidait pour une origine plus
ancienne (Vincent P.M. et al., 1994). Les deux méthodes de datation qui ont été tentées depuis
vont dans ce sens mais ne fournissent qu'une limite d'âge supérieure.
L'étude des nucléides cosmogéniques produits in situ - 10Be et 26Al - donne le temps d'exposition d'un affleurement aux rayons
cosmiques, et donc un age minimum. Pour une impactite du plateau
central, il est de 500.000 ans (Bourlès D.L. et al., 1995). La datation par thermoluminescence des grès «cuits» sous
une impactite indique un âge supérieur à 1 million d'années (Miallier
et al., 1997). L'âge réel reste donc inconnu pour le moment, mais rien
n'empêche qu'il soit supérieur à ce chiffre.
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