LIBERATION samedi 20 septembre 2003

Prise de tête autour de Toumaï

Querelle de scientifiques autour de la découverte de notre vieil ancêtre.
Par Sylvie BRIET

Toumaï, le plus vieil ancêtre de l'homme, découvert en 2001 au Tchad, se retrouve au centre d'une querelle qui sera portée en justice la semaine prochaine. Michel Brunet, professeur à Poitiers, père scientifique de cet hominidé de 7 millions d'années, à qui l'on attribue la découverte, n'est pas content. Il veut faire retirer de la vente le livre d'Alain Beauvilain, géographe, maître de conférence à Paris X, Toumaï, l'aventure humaine (1). Motif : l'auteur n'avait pas le droit de publier des photos sans certaines autorisations.

Fossile. Alain Beauvilain y raconte comment, lors d'une expédition menée avec trois Tchadiens, Mahamat Adoum, Ahounta Djimdoumalbaye et Fanoné Gongdibé. Ahounta a découvert le crâne ce 19 juillet 2001. A la une du livre, la photo prise au retardateur des quatre membres de l'expédition tenant le précieux fossile qui vient d'être mis à jour. «Cette mission n'avait pas été initiée par Michel Brunet», dit Beauvilain. Détaché au ministère des Affaires étrangères et responsable de la coordination des actions en paléontologie en République du Tchad, celui-ci connaît parfaitement le terrain et a participé à toutes les missions de Brunet. Il en mène quelques autres, plus informelles mais toujours pour le compte de la mission paléoanthropologique franco tchadienne (MPFT) dirigée par Brunet.

Equipe
. Michel Brunet apprend cette découverte après les autorités et la presse tchadiennes. Il lui est difficile de réagir avant d'avoir vu le fossile. Au Tchad, tout le monde s'emballe. A partir de là, Alain Beauvilain se sent évincé, aucune reconnaissance ne lui est manifestée côté français. Il est néanmoins cosignataire de l'article publié par Michel Brunet dans la revue Nature du 11 juillet 2002, comme tous les membres scientifiques de l'équipe. Mais le dossier de presse et les récits aux journalistes ne mentionnent que le seul Ahounta. «C'est normal, explique Patrick Vignaud, bras droit de Michel Brunet à Poitiers, cette découverte est le résultat du travail de toute une équipe, Michel Brunet en est le directeur scientifique, Ahounta le découvreur. Après, nous sommes 60 dans l'affaire, chacun apporte quelque chose.» Aujourd'hui, le président tchadien se rend à l'université de Poitiers, où se trouve le crâne de Toumaï.
(1) Editions La table ronde.