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Comme tout trésor archéologique, le crâne tchadien a aiguisé les
appétits de pouvoir des chercheurs et la fierté nationale dun
pays pauvre
Tempête sur un crâne
Se proclamer berceau de lhumanité, quelle aubaine pour lun des
pays les plus pauvres de la planète, plus connu pour sa guérilla
du Nord-Tibesti et ses dirigeants musclés comme Hissène Habré.
Lorsque, au fil de ces derniers mois, il sest confirmé que le
crâne découvert le 19 juillet 2001, qui avait été montré au premier
ministre de lépoque, savérait être celui dun hominidé, les
autorités tchadiennes ont tenu à ne pas être écartées de la diffusion
mondiale des résultats scientifiques. La découverte sest faite
dans le cadre dune coopération franco-tchadienne entre luniversité
de Poitiers, le CNRS, luniversité de NDjaména et le Centre national
dappui à la recherche tchadien. Le président Idriss Déby tenait
à ce qu'une conférence de presse soit organisée à NDjaména. Dans
un premier temps, il a fixé la conférence au vendredi 5 juillet,
de façon à y être présent, avant de senvoler pour le sommet africain
de Durban.
Une découverte importante signifie la gloire pour son auteur,
mais aussi afflux de financements, de contrats dédition et de
diffusion
Panique à Poitiers dans léquipe de Michel Brunet. Terreur à Londres
à la rédaction de la revue Nature. Comment imposer le secret entre le 5 et le 11 juillet, date
officielle de la publication de larticle scientifique ? Fait
étonnant, le prince sest incliné devant les règles de la revue
britannique.
La tension autour de la découverte était telle que Michel Brunet
craignait que Le Figaro, qui avait relaté la découverte lan dernier
en avant-première (1), sans préjuger de la nature exacte du fossile,
ne rende compte de larticle de Nature avant la date officielle.
Le paléontologue a été jusquà envoyer une lettre à la rédaction,
par avocats interposés, qui mentionnait «une tentative qui perturbe gravement plus de vingt ans de recherche
en Afrique». Les avocats de Michel Brunet entendaient «mettre en demeure de ne faire aucune publication que ce soit dans
Le Figaro (...) des informations qui ont été portées à votre connaissance
dans cette affaire». Des informations qui, pour une bonne part, sont dans le domaine
public depuis un an.
La paléontologie est de longue date marquée par des affrontements.
La rareté des sites et des fossiles attise la convoitise et les
rivalités. Une découverte importante signifie la gloire pour son
auteur, mais aussi afflux de financements, de contrats dédition
et de diffusion. Sy superposent les revendications légitimes
des pays dont les fossiles appartiennent au patrimoine national.
«Le Tchad mérite davoir un musée, plaide Martin Pickford, britannique né au Kenya, qui a contribué
à construire un musée de paléontologie dans son pays natal. A
Addis-Abeba, capitale du pays de Lucy, «il ny a rien», déplore-t-il. A NDjaména, la maison coloniale qui abrite le
«musée national» tombe en décrépitude. Une minuscule salle de
paléontologie a été joliment aménagée il y a quelques années en
partie sur fonds privés. Mais la mâchoire dAbel est toujours
à Poitiers.
Fabrice Nodé-Langlois
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